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À Pâques, on distribue des ufs, on les cache pour les plus petits et surtout on les décore, de façon très variable selon les régions et les époques. Les plus somptueux viennent des pays de lEst, les ufs de nos campagnes de France étant plus sobrement teintés.
Depuis quand des décors ?
Un texte alsacien de 1624 raconte quà Pâques, « on teignait les ufs en vert, rouge, noir et bleu et dautres manières encore ». La mode des ufs de couleur semble être venue de lEst, mais aussi des familles bourgeoises et citadines du reste de la France. Dans la plupart des campagnes, la tradition nen est évoquée que tardivement, à partir de la fin du XIXe siècle au mieux. En Saintonge, au milieu du XIXe siècle, on les trouvait surtout jaunes, violets ou rouges.
Comment colorer les ufs ?
Pour donner une couleur précise à la coquille, on cuisait les ufs pour les faire durcir dans de leau additionnée dingrédients. Les recettes dautrefois ne manquent pas : des myrtilles ou du sureau pour du violet, des rondelles doignon et du vinaigre pour un beau rouge sombre, des épluchures de radis pour du rose pâle, des épluchures de betterave rouge pour du rose violacé, du marc de café ou du thé pour du brun clair, des carottes pour du jaune vif, des pelures doignons pour du brun-jaune, des feuilles dorties ou dartichaut pour du vert, etc. Si la teinture passait par une fente de la coquille et tachait un peu le blanc de luf dur, les enfants nen avaient cure et le mangeait tout autant. Il ny avait guère que la nourrice de la romancière Colette qui se méfiait (à tort puisquon nutilisait alors que des plantes comestibles colorantes) et qui disait à la fillette « Ne mange pas, cest du poison ! » si la couleur avait traversé.
Quelle est la couleur la plus fréquente ?
Le plus souvent, on teintait les ufs en rouge sombre, une tradition qui rejoint celles de lEst. En Hongrie par exemple, cest le même mot, kokonya, qui signifie à la fois « uf de Pâques » et « uf rouge ». En Grèce, luf rouge est considéré comme le seul vrai, celui quon offre le Jeudi Saint. Tout cela aurait pour origine une légende qui veut que Marie-Madeleine se soit rendue à Rome après lascension de Jésus : elle aurait demandé à voir lempereur Tibère et lui aurait tendu un uf rouge en disant « Jésus est ressuscité ». On dit aussi quaux premiers temps de lÉglise, les chrétiens se saluaient à Pâques en soffrant des ufs rouges.
Les décorations diverses
En France, si lon excepte la cour royale (Watteau avait peint et décoré deux ufs de Pâques pour une fille de Louis XV), les décorations supplémentaires étaient très rares et très simples. Elles sont attestées seulement dans quelques régions : des décalques de feuilles de persil en Anjou (on maintient les feuilles avec une ficelle ou un filet autour de luf avant de le faire cuire dans son bain colorant, puis on détache le tout, la feuille simprimant ainsi en réserve claire), ou des décors grattés à la pointe dun couteau, après teinture de luf, en Franche-Comté et en Sologne
En Bohême, on retrouve ce grattage de luf teinté de couleur sombre, souvent avec une plume. En Allemagne, on y inscrit souvent, soit par grattage après teinture, soit par peinture sur luf nu ou teinté clair, des poèmes ou des vux rédigés spécialement pour la personne à laquelle on offre luf de Pâques.
En pays tchèque, on colle des petits morceaux de paille aplatie et découpée en losanges, carrés, rectangles
En Pologne, on utilise plutôt des papiers gommés prédécoupés en forme doiseaux, de feuilles, de fleurs ou bien on fait un timbrage à la pomme de terre (on la découpe en deux, on y sculpte un motif quon trempe ensuite dans lencre).
Les plus beaux de tous restent les ufs ukrainiens, réalisés au « batik », cest-à-dire à partir de bains successifs dans des colorants de plus en plus foncés, avec des réserves effectuées à la cire, elle-même déposée avec une plume entre chaque étape.Et les faux ufs ?
Les premiers ufs artificiels sont nés à la fin du XVIIIe siècle en Russie, mais étaient conçus comme des bijoux à conserver, pas comme des confiseries à manger. Avant la Révolution de 1917 dailleurs, tous les orfèvres russes exposaient des « ufs bijoux » dans leurs vitrines la semaine de Pâques, les plus remarquables étant ceux du joaillier Carl Fabergé de la fin du XIXe siècle.
En France, de façon plus populaire, on a commencé à offrir des ufs en sucre coloré aux enfants à partir des années 1890. Dans les années 1900 apparaissent aussi des ufs en porcelaine, en carton doré ou en chocolat, contenant parfois une surprise.
Et maintenant ? Ce sont les ufs en chocolat qui décorent toutes les vitrines en période pascale, pour la plus grande joie des gourmands bien sûr !
Texte : Marie-Odile Mergnac
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