• L'omniprésence des médias et de la violence influence l'argot des cours de récréation

    L'omniprésence des médias et de la violence influence l'argot des cours de récréation

    M.-E. P..
     Publié le 02 juillet 2007
    Selon l'étude, le langage utilisé par les enfants permet de créer un rapprochement au sein d'un groupe.

    AFP/Hin Goh
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    De « J't'ai cassé » à « Trop génial », en passant par « Tchô ! », des institutrices ont étudié l'argot des cours de récréation.

     
    LE VERBE est souvent cruel dans les cours de récréation d'aujourd'hui, et ce dès le plus jeune âge. Altercations, moqueries et insultes y sont fréquentes, à grand renfort de « cassé ! », popularisé par le film Brice de Nice, ou du plus classique « t'es nul ! ». Le tout pimenté d'un « Même pas en rêve » très usité ou du fameux « trop pas ».
     
    Des institutrices ont voulu mieux connaître ce langage et ses règles. Toutes volontaires, elles ont observé, de janvier à mars dernier, 1 018 élèves de 7 à 11 ans, du cours élémentaire au cours moyen, dans les cours de récréation d'écoles privées et publiques. Elles ont répertorié 263 expressions, tout au long de cette étude lancée dans six académies (Paris, Lyon, Lille, Toulouse, Rennes et Nice) par « l'observatoire des cours de récréation » dépendant de l'institut privé Junior City. Et les résultats sont plutôt édifiants.
     
    Les filles, « plus dans le lien social et la relation aux autres », analyse l'étude, ont ainsi une prédilection pour l'injure « pétasse » et le traditionnel « Je ne te cause plus » qui parfois va au-delà de la simple provocation : « Je ne suis pas ta chienne. » Chamailleuses mais affectives, elles se flattent aussi entre elles d'un « ma puce », ou d'un « t'es belle ».
     
    « Sans émotion affichée »
     
    Les garçons, eux, donnent des ordres, se traitent de « mytho » ou de « tête de con », se provoquent avec des « J'vais t'atomiser ». Ils se lancent aussi des « atchemele » (Tais-toi). « Tournés davantage vers leurs centres d'intérêts, sans émotion affichée, les garçons ont plus de mal à trouver les mots », analyse l'institut. Autre constat : « Les enfants expriment plus facilement un sentiment négatif que positif. » L'adverbe « trop » est mis à toutes les sauces. Pour se plaindre comme dans l'expression « C'est trop moche ». Mais aussi dans un sens plus positif (« trop génial »), avec dans ce cas la concurrence de « ça déchire » ou « c'est de la bombe ».
     
    Lorsque « ça boume » ou « ça twiste  », venu tout droit des années 1960, c'est plutôt bon signe. Un « ça me saoule » est en revanche synonyme de mauvaise nouvelle. Lors d'une rencontre, la tendance générale est au « Salut », indémodable, suivi d'un « Ça farte ? », allusion, là encore, au cultissime film Brice de Nice et aux exploits de surfeur de son héros.
     
    « Pour un tiers des enfants interrogés déclarant l'employer, le code est nécessaire pour exclure les adultes ou tout autre fâcheux. » Il permet en outre de créer un rapprochement au sein d'un groupe. Jeux de ballon ou jeux collectifs sont le berceau de nombreuses expressions qui permettent d'exprimer la joie ou l'incitation à gagner : ainsi « Cours Forrest Gump ! », allusion à la comédie américaine multidiffusée à la télévision dans laquelle le héros, un simple d'esprit, passe son temps à courir. Car le cinéma et la télévision sont bien la première source d'inspiration pour ces enfants. Titeuf, le petit écolier, héros d'une bande dessinée très en vogue, a quant à lui réussi à populariser son « Tchô » en guise de salut.
     
    Pas d'injures trop directes
     
    Dans l'étude, chaque univers de la vie de l'enfant a été décortiqué, comme les expressions qu'il emploie pour parler de nourriture : « dégueullatissime » ou « Miam miam ». Quant à la musique, les enfants la « kiffent » (apprécient) ou pas. Sont aussi évoquées les expressions jugées « has been » (démodées) mais néanmoins toujours utilisées : « crétin », « minus », « tu t'es vu », « y'a pas d'arête dans le beefsteak », « à plus », « flûte », « Seigneur » ou, à Marseille surtout, bien sûr, « Bonne Mère ». Les injures trop directes comme « Trou du c... » restent censurées, tempère l'étude, probablement parce que « toute forme de langage perçue comme vulgaire ou guerrière est refusée par les parents ». Elle observe cependant ironiquement que le jargon des enfants illustre l'environnement dans lequel ils évoluent, « caractérisé par une omniprésence des médias et de la violence ».


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