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Le marché des cours privés particuliers
Le "marché de l'angoisse" des cours particuliers explose
On l'appelle "le marché de l'angoisse": depuis une
dizaine d'années, les cours particuliers payants dispensés en dehors de
l'école explosent en France, symptôme d'une course à l'excellence où
tous les moyens sont bons.
Acadomia, KeepSchool, Complétude, Prof à Dom... les publicités
s'étalent dans les magazines, dans le métro et sur les autobus,
promettant toutes l'Eldorado. Leurs cibles: collégiens et lycéens en
priorité, mais aussi élèves du primaire et étudiants.
Certains établissements proposent même des stages intensifs aux
vacances, voire des "séjours éducatifs avec hébergement, en campus ou à
la montagne".
Leader du marché, Acadomia fait miroiter "5 points de plus en moyenne"
après 36 heures de cours et affiche une santé insolente.
Implantée dans une soixantaine de villes, l'entreprise fait travailler
20.000 enseignants. Elle a triplé son activité depuis son entrée en
bourse en 2000 (22,5 millions d'euros de chiffre d'affaires pour
l'exercice 2004-2005).
"Déjà au XIXe siècle en France, quand l'accès à l'enseignement
secondaire était étroitement réservé à l'élite sociale, les cours
fleurissaient. Ils devaient permettre aux enfants de la bourgeoisie de
« tenir leur rang »", a relevé le sociologue Dominique Glasman dans un
rapport.
Aujourd'hui, le marché du soutien extra-scolaire a atteint une
dimension quasi-industrielle, stimulé par des allègements fiscaux qui
divisent par deux le prix des leçons, facturées en moyenne 30 euros de
l'heure.
Tous les milieux sont concernés, même modestes, partout dans le pays
mais avec une mention spéciale pour la région parisienne où se
concentrent les meilleurs lycées et "grandes écoles", que beaucoup
d'élèves rêvent d'intégrer.
Vendeuse dans un grand magasin de la capitale, Marie-Lise Monestier, 54
ans, dépense 150 euros par mois depuis septembre pour son fils de 15
ans, "un peu lent en maths". Les notes ont "bien remonté". Elle dit à
la fois "investir pour le futur" et acheter "la paix familiale": "la
bataille au dîner sur les mauvaises notes, c'est fini".
"Au début, ces cours c'était galère, témoigne son fils Grégory. Mais
c'est vrai que maintenant ça va mieux en maths. Mes parents ont relâché
la pression, tout le monde y a gagné".
Selon un récent sondage, un tiers des parents d'élèves ont déjà payé
des cours à leur enfant (dont 5% en maternelle) et 80% y seraient prêts
en cas de besoin, pour pallier des difficultés ou seulement améliorer
des performances.
C'est là le paradoxe, dans un pays fier de la gratuité de ses écoles
instaurée dès la fin du XIXe siècle, mais dont le système éducatif où
prévalent les classements et les sélections par concours pousse à la
surenchère.
Des enseignants, syndicats et politiques ont dénoncé ces nouveaux
"MacDo de l'enseignement" qui surfent sur la hantise de l'échec.
"On ne peut toutefois interdire les cours particuliers", remarque le
sociologue François Dubet. "Les parents savent que leurs enfants jouent
leur avenir dans le système scolaire. La compétition est brutale et le
soutien extra-scolaire, c'est comme un dopage", analyse-t-il.
Si ce boom des petits cours en France semble assez unique en Europe,
les compléments facturés existent toutefois ailleurs: de la
Grande-Bretagne à l'Allemagne et la Grèce, en passant par les
Etats-Unis ou l'Egypte, relève le rapport de Dominique Glasman.
La palme revient à l'Asie, Japon et Corée du Sud en tête. 60% des
Japonais de 9 ans fréquentent des "jukus" après la classe, sortes
d'études surveillées, comme 80% des élèves de certaines écoles à Séoul.
Dans les "ha-gwuan" coréennes, un adage a cours: "Four Pass, five Fail"
- "quatre heures de sommeil tu réussis, cinq tu échoues".
R.A.
http://ecolesdifferentes.info
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